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"TOUT EST POUR LE MIEUX…" Dans le Meilleur des Mondes Possibles !


Cessons de grogner, je sature de ces ronchons, dont je fis partie, qui se font les champions du « c’était mieux avant » ou du « de toutes façons, l’humanité ne vaut rien ». J’ai décidé, ce matin, de me lever d’un bon pied, sourire aux lèvres, renonçant à mes sales manières de râleur.


Marre ! De trainer mes pantoufles en rabâchant « J’en ai marre ». Du jour qui se lève trop tôt ou trop tard. De l’empaffé qui fait vrombir sa moto sous mon balcon, de souhaiter qu’avec elle, il veuille bien aller s’écraser contre le mur à 19h précise, heure où la harpie d’en face y fait pisser son cabot enragé, d’une pierre trois coups, la Providence aura bien joué !


Marre ! De me sentir prisonnier de ma « zone de confort » dont il faut que je m’extraie comme me le répètent les commentateurs avisés. Cette zone où je patauge « dans mon jus » aigre, répulsif, refusant de tenir compte des autres, qui « s’engagent », eux, n’hésitant pas à « déconstruire » fièrement nos mauvaises manières, nos comportements « inappropriés », pour s’affranchir de toute « emprise » malvenue de ce ramassis toujours renaissant et actif de « mâles » manipulateurs, opérant harcèlement moral, viols, incestes, s’épanouissant dans le « féminicide » honteusement nommé « crime passionnel » naguère.





A présent, c’est décidé, je prendrai plus volontiers les vessies pour des lanternes. Et je m’en porterai mieux ! Je me rendrai compte, il était temps, que, dans le « village global », la démocratie est réalisée. Et ça, la démocratie, c’est quand même le plus haut degré de la Civilisation. La preuve : n’importe qui peut dire n’importe quoi en toute bonne conscience. Tout le monde s’est mis en réseaux, renouvelant avec bonheur, le vieux slogan « si tous les gars du monde voulaient se donner la main », enfin les filles aussi bien sûr. Certes, quelquefois c’est un peu la main sur la figure, ou bien plus bas, mais c’est virtuel, il y a l’écran qui nous protège et on ne dit pas son nom.

C’est surtout qu’enfin « la parole s’est libérée » : celle des femmes, dont on sait depuis peu, qu’elles disent toujours la vérité ; celle des antisémites qu’équilibre celle des antiracistes ; celle des fanatiques religieux qui appellent à la prière et au meurtre, couvrant ainsi un vaste périmètre d’échanges fructueux ; celle des rumeurs, bruits, dénonciations relayés avec ferveur par les adeptes du lynchage ; celle, toujours sur la brèche, des informations de première main qui nous informe minute par minute des complots ourdis partout sur la planète contre le peuple ; Celle des pétitionnaires, contestataires, révoltés, révolutionnaires et autres agitateurs « antisystème » préparant inlassablement les moyens de la subversion finale ; et toutes les autres qui se pressent aux portillons, sûres d’avoir un message important à délivrer à propos de l’excellent repas qu’elles ont honorées ce midi, photos et vidéos à l’appui. Ou encore, exhibant leur impayable marmaille, nourrissons bavant sur la mère post éventrée, ou dans les bras du père, frappé d’idiotie soudaine ; bébés joufflus auxquels, soi-dit en passant, on n’a pas demandé son avis, lardons trottinant avec, au choix, chats, chiens, lapins, cochons, tout matériel de choix qui fera les délices de quelques pédophiles achevés, rien jamais, sur internet, n’étant perdu pour tout le monde.



Tesson
Tesson

Comme c’est émouvant de s’inscrire enfin dans ce beau courant du progrès humain !


Comme c’est reposant, pour un vieil habitué de la critique acerbe tel que je fus, hélas, de se dire qu’en réalité, nous n’avions rien compris à la marche du monde et d’en prendre conscience en admirant les subtiles manœuvres du génie humain qui fini toujours par trouver son chemin pour qu’on se rende à l’évidence : c’est ainsi que ça doit aller et pas autrement.


Sur tous les plans, le bon sens l’emporte largement sur les difficultés et la science économique, que j’ai tant houspillée, nous démontre chaque jour, que nous vivons une époque d’une richesse exceptionnelle. Moi qui croyais, aveuglément, que la pauvreté augmentait partout dans le monde, je sais maintenant qu’il n’en est rien, au contraire elle régresse. Les économistes, forçats du PIB par habitant, imbattables dans leurs calculs, rompus à l’analyse stochastique, nous montrent sans faillir dans leurs tableaux comparatifs, sur leurs courbes paramétrées au cordeau, que la richesse augmente sur tous les continents faisant reculer la pauvreté comme jamais dans le passé. C’est tout de même important de s’en convaincre !

Et quand l’économie va, tout va ! Nos sociétés solidaires le savent. L’inflation permet aux actionnaires d’empocher de beaux dividendes, et d’investir pour l’avenir de l’entreprise. On ne va certes pas augmenter les salaires, car il faudrait reporter cette augmentation sur le prix des produits, et aggraver encore l’inflation. Halte-là ! Notre gouvernement est à la tâche, il veille et sait intervenir au besoin pour le bien commun. Me voici, après tant d’années où j’étais ulcéré, rasséréné.

Le trafic de drogue fait rage chez nous, et quoi ? La CRS8 a été déployée dans les zones sensibles, ce n’est pas de la riposte ça ? Par ailleurs, c’est toujours de l’économie, non ? Il y a eu des morts, et des morts jeunes ? L’économie c’est ça aussi, que voulez-vous, la richesse a un prix. Et ceci n’est rien, nous ne sommes pas en Afrique !

La rentrée s’est bien passée pour nos douze millions d’élèves, à quelques malheureuses abayas près. Des grincheux systématiques, prônant ordinairement l’insoumission, revendiquent, contre eux-mêmes, la soumission à toute religion populaire et s’insurgent contre leur interdiction, expliquant que ce vêtement n’est pas religieux. Non, certes, porté en Arabie Saoudite. Mais ici ? En tout cas, il n’est pas porté par des athées, si ?

J’évoque ceci pour l’anecdote. C’est le débat démocratique d’où toute lumière jaillit. Il n’y a pas assez de professeurs, dit-on. A terme, il n’y aura plus d’école publique, alors pourquoi embaucher des profs ? Ceux qui sont là, tant mieux, pour le reste on a des pédagogues de secours, venus d’ailleurs, ce n’est pas si compliqué d’enseigner ! Et puis, il y a beaucoup mieux : l’Intelligence Artificielle ! Aucune raison de la redouter : elle est en application depuis longtemps. Moi qui ne suis pas un aigle, je l’ai vu se déployer partout, elle est reine dans les médias, il y a en effet beau temps que l’intelligence est devenue tout à fait artificielle !


Aurel
Aurel

La Santé y est déjà passée. L’hôpital public ! Une vieillerie à faire mourir tranquillement, là encore c’est en bonne voie.

Comme disait un de mes voisins, que je traitais d’imbécile auparavant, l’Etat n’a rien à faire en ces domaines-là, il faut les laisser au privé qui, lui, sait gérer. En fait, ce voisin, à présent mon ami, est homme de bon sens et je constate qu’en dépit de son manque d’instruction, il rejoint les plus fins raisonnements de nos meilleurs économistes.

Pour vous dire si le monde actuel est fantastique : j’ai croisé tout à l’heure ce même voisin revenant de l’école avec sa fille et son garçon. Eh bien, m’a-t-il expliqué, il n’y a plus de fille ni de garçon, il y a des enfants qui se détermineront le moment venu. Comme, imprudemment, je me gaussais, le bougre m’a traité de retardé et s’est tourné en gueulant que si ses enfants voulaient être demain plutôt une vache, un chien, un sequoia ou un mérou, ça les regardait et que l’état civil devra bien en tenir compte ! Faudra que je m’emploie à me rabibocher avec lui, c’est sidérant comme je suis encore empêtré dans des considérations éculées à l’heure où la science a tellement progressé.

Il va falloir aussi que j’apprenne à lire et écrire comme aujourd’hui. J’ai bien l’impression que la langue dont je me sers est obsolète. Je manque d’inclusion. Les femmes se sentent exclues quand elles me lisent. Pour un type de ma sorte, qui aime séduire et croyait encore récemment au pouvoir de la plume, c’est un cauchemar. Mais, Dieu merci, l’époque est là pour me corriger, m’inciter, me recycler, ça va bien se passer.

J’aurais un « travail de deuil » à faire, une « cellule psychologique » sera mise en place pour moi et le Cyrulnik de service m’apprendra à être « résilient ». Pour ne pas me couper des masses enchantées, je m’habillerai de rose et m’extasierai devant Barbie et Ken. J’intègrerai les clubs de supporteurs-trices, voyez, je fais déjà des efforts à l’écrit, car aujourd’hui il faut en être. Je manifesterai en tant que citoyen responsable pour une juste cause, verte de préférence, sans craindre d’effaroucher la police qui fera semblant de me matraquer pour donner le change. Et je n’oublierai pas d’être enthousiaste et solidaire au passage des cortèges mirobolants de toutes ces fiertés qui s’y produiront aussi décomplexées et bruyantes que possible.


Ah ! Qu’il est merveilleux de se sentir dans le monde, de vibrer avec lui ! D’être enfin positif ! Et, « je parle sous votre contrôle », de mourir totalement idiot !






Gilbert Provaux – Septembre 2023



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