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"Monde d’après ?"

L’époque contemporaine, quoi qu’on veuille bien s’illusionner, n’aime pas le cinéma. Et sa disparition, en tant que tel, est programmée depuis la fin du siècle dernier. Aujourd’hui, c’est chacun chez soi, chacun son écran, chacun avec « ses » images, entre autres choses, par exemple encore « sa » musique.

Dans l’entre-soi, au sein de sa tribu, en évitant autant que possible un éventuel perturbateur de son petit bonheur ; sans contact, - la belle expression ! – avec quiconque pourrait venir gâcher ta rotation quotidienne autour de ton nombril en t’obligeant à risquer une mise en cause douloureuse de tes petites opinions que tu tiens pour de grandes vérités. Du moins ce sont les miennes, prétends-tu, alors qu’aucune opinion, par définition, n’appartient à personne. Les opinions reflètent l’air du temps, cet air que tu respires à pleins poumons. Pour citer un vrai personnage de vrai cinéma : « les opinions, c’est comme les trous du cul, tout le monde en a un ! ».

Solitaires voués aux plaisirs solitaires, hors sol, virtuels, tu ne peux plus savoir ce qu’est le cinéma. Il y a la plateforme. Forme plate, en effet, pour encéphalogramme plat, pour les platitudes que tu débites, le regard hébété, quand tu lèves un peu ton visage vers nous qui t’interpelons à l’occasion.


En d’autres temps, nous savions, avec Jean-Luc Godard, que « le cinéma est un art, la télévision, un meuble ». Godard, je parie que non seulement tu ne sais pas qui c’est, mais que, plus encore, tu ne veux pas même le savoir. Ta curiosité intellectuelle étant devenue, fatalement, inexistante. De fait, tu préfères le meuble à l’art, fût-il populaire.


Car le cinéma était un art populaire, le moins cher de tous les spectacles publics et il y en avait pour tous les goûts ! Quelle fête c’était ! Il pouvait arriver qu’il y ait du chahut, que le bruit des mâchoires s’acharnant sur les caramels ou le popcorn agace, que des couples dans le noir ne voient rien du film, qu’importe… Et à la sortie, que de controverses dans le public !

Plateformes donc. Oublions le cinéma. Place aux séries puisque notre monde est sériel, c’est le bon format. Rituels, gestes, expressions, lieux, consommation, tout en série, par paquets de saisons, jusqu’à épuisement. Une dope quotidienne, à dose exponentielle, avec engouement hystérique et organisation du manque.

Naguère, il se disait volontiers que « le cinéma, c’est la vie, et la vie, quel cinéma ! ». Ce n’est plus ça. Ce n’est plus qu’un petit écran qu’on emporte partout avec soi.


"Videodrome" - D. Cronenberg
"Videodrome" - D. Cronenberg

Consciencieux, nous aimons notre collier et la laisse qui nous tient si bien, bon chien. Peut-être que bientôt, nous n’aurons plus à nous inquiéter d’oublier quelque part ce cher objet lumineux du désir ; peut-être nos écrans nous seront-ils greffés directement sur nos visages dûment masqués pour éviter les fâcheux éventuels postillons d’une énième épidémie de la covid 70ème du nom, avec variants locaux en option ; peut-être, ces chers écrans indispensables à nos existences unidimensionnelles pourront-ils même nous être introduits dans le cerveau, sous forme de puces remplies de nos programmes préférés… Qui sait ? Nos neurones obéissants seraient connectés aux sélections préétablies pour chacun en fonction de « ses » goûts. Uniquement l’essentiel en HD, pas de vagabondage inutile, pas de curiosité déplacée, pas de risque de découverte déprimante de libres espaces dangereux où papillonner dans l’inessentiel.


Le Monde d’après est un leurre. Nous vivons le Monde d’aujourd’hui à jamais.

Le Monde d’avant n’est plus là pour nous aider à comprendre. Il a été décrété d’accusation, jugé et condamné. Nos Autorités médiatiques scrupuleusement démocratiques, n’ont pas manqué de consulter directement le Peuple Réseausocialisé, ses leaders charismatiques Influenceurs, Influenceuses, de l’Institut Pasteurisé, les Youtubers du Nouveau Collège de Nulle Part, toutes et tous dûment reconnus et encouragés par le Network de la Métropole à Washington.

Et moi, je survis tant bien que mal.

Je ne devrais pas mais je n’ai pas la fibre suicidaire. Encore que durer ne soit au fond qu’un lent suicide pour les couards. Trop vieux, un étranger égaré, un fou qui ne comprend rien à rien mais fait ce qu’on lui dit pour ne pas être dénoncé et interné, voilà ce que je suis. Ma mémoire trop vive sévit encore. C’est grand malheur. Je me souviens ainsi d’un certain Sigmund Freud, il diagnostiquait un malaise dans la civilisation. Or, de civilisation nous n’avons plus, reste le malaise. Pour celles et ceux encore capables de le ressentir. Ça ne fait pas grand monde ! Et puis que pourraient-ils faire ? Ils sont inaudibles, impertinents, au sens littéral.

Ils sont ce qu’était leur époque effroyable : le sexisme, le racisme, l’esclavagisme, le tabagisme, l’alcoolisme, la pédophilie glorifiée, l’amoralisme foncier, l’immoralisme blasphémateur, des viandards sans vergogne, des tortionnaires d’animaux, des laïcards frénétiques, irrespectueux de tout et de tout le monde ; autrement dit, des rebuts de l’humanité passée, qui nous ont conduit à l’abîme, des nocifs pollueurs que, Dieu merci, on a su démasquer et arrêter à temps, même si les écuries d’Augias ne sont pas encore tout à fait propre. Alors, il faut continuer énergiquement, corriger ou supprimer ce qui reste de leurs écrits infâmes, mettre à l’index leurs œuvres dégénérées que le laxisme, la complaisance des mœurs, leur donnant droit de cité, laissait prospérer impunément.


Comment diable pouvait-on admettre qu’un homme soit un homme et une femme une femme ? Comment pouvait-on prendre au sérieux et justifier le soi-disant effort à fournir pour vivre, exister, assumer son sexe et s’assumer soi, y compris en tant qu’homosexuel ou homosexuelle ? Alors qu’on sait aujourd’hui qu’il est tellement plus simple et humain de laisser le choix. Pourquoi diable un enfant serait-il un garçon ou une fille, laissons-lui le choix ! Et s’il veut être plutôt un chat ou une chienne, qu’il préfère aboyer que parler, ma foi… Je n’ai pas dit un âne, parce que ce devenir-là est de toutes les façons, acquis ! On disait de façon populaire, en d’autres temps, à propos de quelqu’un qui perdait la boule, « il ne sait plus s’il est mâle ou femelle » … Voilà où nous en sommes. Sagesse populaire d’un autre âge. Interdite. Tout ça, c’est l’odieux passé.

Désormais, donc, les cinéastes qui ont enfin compris se mettent au travail pour la plateforme. Mais il arrive, quelquefois, que l’un d’entre eux n’ait pas bien tout compris. Ainsi celui qui a réalisé, pour HBO je crois, peu importe, une comédie pour la jeunesse, adaptée d’un roman de Roald Dahl, mettant en scène une méchante sorcière aux doigts crochus, selon la représentation classique bien connue. Que n’a-t-il pas fait là ! Aussitôt, l’Association des personnes atteintes d’une maladie rare qui leur fait des doigts de sorcières s’insurge de l’image déplorable que ce film donne d’elles, estime devant un juge que les personnes qu’elle représente sont d’authentiques victimes de productions sans scrupules et exige retrait du film, interdiction ou modification. Toute la production sans regimber va se confondre en excuses publiques, l’actrice Anne Hathaway regrettera tout aussi publiquement d’avoir accepté et joué ce rôle, pleurs et autoflagellation de rigueur. In fine, la diffusion du film sera cependant autorisée mais avec en préalable un rappel des excuses et une « contextualisation » en bonne et due forme expliquant sérieusement à des spectateurs qui n’en avaient probablement pas besoin que l’œuvre n’est en rien du harcèlement moral, encore moins l’expression d’une volonté de ridiculiser les victimes de cette maladie qui déforme les doigts. Soi-dit en passant, si l’immense majorité des spectateurs savaient sans doute qu’une sorcière a des doigts crochus, voire même une grosse verrue sur le nez pareillement crochu, peu d’entre eux étaient au courant de l’existence de cette maladie, ce n’est plus le cas ! Je l’ai appris moi-même à cette occasion, autant vous le dire, on ne sait jamais si un soir d’Halloween il vous venait l’idée saugrenue d’incarner une méchante Carabosse, dites-vous que vous pourriez avoir sur le râble l’Association susdite profondément indignée que vous singiez en riant les mains affectées de la maladie de Dupuytren !

Comme quoi les victimes, infirmes, handicapés et autres qui se vivent ainsi, sont aussi cons, il n’y a pas de mots plus précis, que tout le monde, ce qui devrait, au moins, les satisfaire de ce côté-là !


From "La Bande Pas Dessinée"
From "La Bande Pas Dessinée"

Cependant, tout ceci, hélas, n’est pas uniquement de la connerie dont nous pourrions rire sainement avec eux. C’est orchestré par celles et ceux qui ont intérêt à ce qu’il en soit ainsi : les idéologues à la mode anglo-saxonne qui savent que la domination sur les peuples consiste d’abord à s’installer dans leurs têtes, à leur faire ressentir ce qu’il faut qu’ils ressentent, à jouer avec leurs notions morales jusqu’à ce qu’ils moralisent comme il faut moraliser, à leur faire désirer ce qui les laissaient indifférents. Et pour cela, à grand renfort de médias, les amener à se départir de leur langue propre, à répéter après eux les mots pour dire les concepts qu’ils doivent assimiler pour que d’un bout à l’autre de la planète, il n’y ait plus qu’une vision du Monde et qu’une façon de la dire. C’est ainsi que notre bonne vieille télévision qui avait bien des défauts mais aussi de belles qualités tendant à élever le public, souci majeur de mon époque, s’est retrouvée « libérée » dès les années 80, c’est-à-dire privatisée et rendue enfin à des énergumènes d’une ignorance crasse dont ils ne manquent jamais de se vanter, des « animateurs » imitant à tout crin les plus crétines des émissions américaines. C’est ainsi qu’on a eu droit à ces spectacles aberrants dits de « télé-réalité », excitant les pires bas instincts d’un public littéralement écervelé, préparé à ce déferlement d’odieuses pitreries d’une vulgarité sans nom prétendant donner de l’humanité une image réelle.

Et ainsi présenter aux millions de spectateurs mâles et femelles, un miroir d’eux-mêmes à travers lequel se reconnaître sans plus aucun réflexe de dignité dans l’ivresse savamment entretenue de la bêtise de masse. Une masse de consommateurs et de consommateuses, néologisme que j’invente à l’instant en tant que féminisation du premier terme. Cela vaut bien les « écrivaines » et les « professeures »…


Sont arrivés dans nos bouches avides de s’exprimer comme nos Maîtres : « Politically correct », « Cancel culture », « Great reset », pour dire ce à quoi il faut se conformer, « Cluster », « Checker » (de to check pour dire vérifier, ce dernier mot ayant trois syllabes, est beaucoup trop long), « servicing », etc, j’en oublie, pour dire tout ce qu’on voudra autrement qu’en français. Et il s’en trouve pour dire que notre langue se porte bien !

Jusqu’à notre féminisme désormais « relooké » (voyez, je m’efforce de bien parler !), en « meetoo » hollywoodien en diable, promptement imité par un « balancetonporc » plus franchouillard mais avec toute licence américaine, of course !

Là où la lutte des femmes, que je soutiens je le précise, s’exerçait depuis déjà longtemps (et avec quelle vigueur !) sur le terrain social et politique aussi bien à l’usine, dans la rue, au sein de groupes anarchistes féminins, avec les prostituées, qu’au théâtre, au cinéma, dans la littérature, de mille et une manières, outre le célébrissime et controversé MLF, s’activaient aussi le Collectif Video Out, le Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, et combien d’autres encore, Là où la lutte des femmes, résolue, décidée, avait acquis une maturité formidable dans la mise à nu des structures de domination masculine et commençait d’en abattre les fondations, par les victoires remportées en matière notamment de libération de la parole, de droit de vote, de mixité à l’école, d’enseignement diversifié (par des professeurs féminins souvent syndiqués au sein de « l’école émancipée »), de droit à l’avortement, de moyens de contraceptions, de liberté sexuelle. Là où la lutte des femmes consciente d’elle-même et de sa vocation à faire avancer la société dans son ensemble, d’abord en se dégageant de la tutelle des hommes y compris à l’intérieur de partis ou syndicats « progressistes » afin d’acquérir l’autonomie nécessaire pour pouvoir discuter d’égale à égal sur les perspectives révolutionnaires qui s’ouvraient devant chacune et chacun ; ensuite en décidant en commun avec les hommes engagés dans les combats pour un monde plus juste, plus fraternel, plus libre, de la meilleure manière d’y arriver. Ces batailles menées par les femmes, regroupées ou non au sein de collectifs a fait avancer non seulement la « cause des femmes » mais l’ensemble de nos sociétés. Et ce, jusqu’à créer des liens de lutte avec d’autres femmes issues d’autres pays, d’autres cultures, et aspirant elles-aussi à mener chez elles un tel combat. Dans les années 70, l’américaine Kate Millet n’hésitera pas à partir en Iran se battre auprès des femmes révoltées de là-bas.

Et qu’avons-nous aujourd’hui ? En guise de « féminisme » ? De jeunes « actrices » d’Hollywood qui se donnent des airs de passionaria en dénonçant bien après coup, des actes répréhensibles qu’elles ont eu à subir de la part de certains hommes qu’elles ont eu à approcher pour leurs carrières.

Ces actes répréhensibles sont évidemment toujours liés au sexe. Très loin après, viennent les considérations sociales éventuelles. A croire que le milieu cinématographique américain et donc mondial, n’est qu’un ramassis d’odieux personnages en proie à la frénésie du sexe consenti ou pas. Les mains des hommes sont toutes baladeuses, leurs jeux de mots et plaisanteries toujours dégradants et « déplacés », leurs attitudes, celles de « prédateurs » insatiables. Ici, renseignées par les américaines qui se libèrent enfin, nos « féministes » 2.0 comme on dit aujourd’hui en langage-à-la-con, s’activent consciencieusement à dépister dans nos métiers artistiques comme ailleurs, les pervers de tout poil ainsi que, mieux encore, les perverses qui aimeraient ça aujourd’hui comme hier, Deneuve et Bardot viennent d’en faire les frais. Bon, ça ne leur a pas donné la migraine…Nous voilà bien loin de Kate Millet, Angela Davis, Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig, Marguerite Duras, ou encore la grande Simone Beauvoir, pour ne citer que quelques noms célèbres…


"Belle de jour" - L. Bunuel
"Belle de jour" - L. Bunuel


Deneuve Bardot. Être féministe, le revendiquer ou pas, s’engager dans les combats collectifs ou pas, signer des pétitions, descendre dans la rue, ou pas, c’est d’abord manifester dans son existence, dans sa vie quotidienne, son métier, ses choix, une indépendance d’esprit et une personnalité forte jamais encline à suivre l’idéologie dominante d’une société. Des femmes à toutes les époques, et dans des contextes autrement plus hostiles ne se sont jamais privées de se faire remarquer par leur audace notamment en matière de mœurs et de briser tabous et prescriptions morales majoritaires religieuses ou non. Et quelquefois hélas en le payant au prix fort. Ces femmes de toutes conditions n’affichent aucune étiquette « féministe » mais elles peuvent chanter avec Barbara : "Moi j’ai choisi mes hommes, j’ai bâti mes empires…"


Elles ne se sont pas précipitées en pleurs, vingt, quarante ou cinquante ans après, sous les robes de leurs avocats ou des juges, robes que tout un chacun, chacune, aujourd’hui s’empresse de revêtir. Encore moins ont-elles été courir les médias, les maisons d’édition, les sites internet « dédiés » ! Être la victime d’une injustice, la victime d’actes dégradants intolérables, est une chose qu’il faut faire cesser sans délai. Se complaire dans le statut de victime désignée de toute éternité, qui en appelle au nombre et à la Loi, sans discernement, pour protéger les douces et pures brebis des affreux prédateurs que constitueraient, eux aussi de toute éternité, par essence, la horde des hommes violents et insatiables est une aberration mentale qui conduit tout droit à la constitution de sociétés rigides, puritaines, liberticides. Sociétés déjà là selon des degrés divers et où l’hypocrisie et le mensonge règnent en maîtres absolus. Certaines vont même plus loin dans cette voie insupportable en hiérarchisant chez les hommes, origine de tous les maux, distinguant le plus infâme de tous, l’homme blanc. Parce que la femme blanche aux colonies par exemple se comportait sans doute aux yeux de ces idiotes avec toute la bienveillance dont cette sainte espèce (femme) est capable. La couleur est ici indifférente. Contrairement à son mari qui non content d’être un homme, est blanc, quelle horreur !


Du fond de leur ignorance insondable des jeux du désir, nos féministes de choc affichent une moralité de bonnes sœurs effarouchées. Vous ne connaissez rien, mes chères, au marivaudage, aux jeux de l’amour et du hasard, à l’art de la séduction assumée. A ce plaisir de se savoir désirée, ou pour un homme, de se savoir désiré car il n’y a pas de différence selon le « genre », sachez-le ! A ce plaisir de jouer l’un ou l’autre, la séductrice, le séduit, ou l’inverse. Dans vos délires pathétiques de ne vouloir être ni l’un ni l’autre, vous en venez à ne vouloir être qu’un être informe, insipide, invisible, interchangeable. Pire : à force de vous vivre en victime de la vie qui vous a fait naître femme, vous ne vous voyez plus exister qu’en tant que proie. Et tout rapport entre sexes différents, vous le vivez médiocrement, sous le mode unidimensionnel binaire, prédateur-proie.

Et vous distribuez du haut de votre angoisse existentielle devant la vie, les rôles obsessionnels : proie-femme, prédateur-homme. La terreur vous taraude d’autant plus que quoi que vous disiez, vous savez que tout ceci n’est pas si simple et relève d’une vision faussée de la réalité, une vision névrotique. Mais vous voulez que tout soit ainsi hystérisé, pour ce que vous croyez être votre sécurité. Vous exigez des lois de plus en plus répressives et de nouveaux codes moraux qui n’ont rien de nouveau. Pour habiller le désir d’une camisole de force. Pourtant, cela est, cela sera, bien pire que vos pires fantasmes, je vous l’assure car le désir corseté, nous l’avons connu en d’autres temps, cela se traduit par une misère sexuelle d’une violence redoutable, dont, à la fin, les femmes font les frais. A ne pas vouloir voir que nous sommes tous et toutes, pour utiliser votre langage, à la fois proie et prédateur dans nos vies d’êtres humains, vous mettez en place les rapports humains les moins humains qui soient et donc les plus conflictuels. La vie trouve toujours son chemin, dit-on, et ce chemin, je vous le dis, est très au-delà du bien et du mal. Ces deux valeurs antagonistes qui structurent vos pauvres psychés, vous n’en connaissez pas la vérité profonde qui est qu’elles ne sont nullement antagonistes mais indissociablement entremêlées. L’une peut être l’autre, l’autre, l’une.


Campagne Publicitaire Transports Publics
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Vos mentalités religieuses, que vous vous disiez croyantes ou pas, voudraient abolir cette relativité vitale des valeurs, les enfermer dans un cadre rigide figé pour l’éternité. Ça ne marchera pas. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » disait déjà Pascal. Méditez si vous le pouvez encore. Interrogez-vous. Demandez-vous pourquoi diable un oui n’est pas toujours un oui et un non, un non. N’avez-vous donc rien vécu de vrai ? Ou vous complaisez-vous dans le mensonge à l’égard de vous-même ? Le langage de l’humain est complexe. Il n’est pas qu’articulé par nos bouches mais par tout le corps, ce corps que malheureusement vous semblez vivre comme un calvaire sans pour autant renoncer, à l’occasion, à vous en servir comme un bel objet dans ces publicités pour parfum où vous mimez l’extase amoureuse sans la moindre pudeur, hypocrites ! Où comme cette jeune actrice américaine célèbre qui déclarait hier ne plus accepter de tourner des scènes d’amour si ce n’est pas une femme qui dirige, feignant d’ignorer que cette scène sera vue aussi par des milliers de bonhommes !

Que certains ou certaines interprètent mal le jeu et doivent être rabroués, voire sévèrement punis selon le degré de mesure dépassée, c’est l’évidence et l’arsenal juridique est là s’il le faut, pour rendre justice. Si l’on doit le déclencher, que ce soit dans le temps où s’est produit l’inacceptable, pas plus tard. Ceci dans l’intérêt même des femmes et des hommes impliqués. Toutefois, qu’il y en ait qui ne sachent pas jouer, cela ne doit pas signifier que le jeu doive s’arrêter. Car c’est la vie que vous condamneriez. Vous vous en moquez aujourd’hui, bien sûr. Vous croyez parvenir à vivre une vie comme on la voit dans le « Disney Channel ». Vous la trouvez désirable parce qu’elle vous paraît pure, propre, asexuée. Enfantine quoi ! C’est en dire long sur l’immaturité portée aux nues par nos sociétés actuelles ! Et sur votre vision morbide des choses du sexe…Vous bâtissez vos vies sur des schémas mensongers, dans l’illusion malsaine d’un bonheur éthéré. Vous appelez de vos vœux un monde indolore, sans conflit parce qu’il n’y aurait plus ni femme ni homme. Il n’y aurait plus qu’un immense défilé bariolé de créatures en tous genres, indéfinies, dansant à s’étourdir sur des rythmes binaires pour oublier cette insupportable fatalité des corps limités. Et en appelant à la rescousse la science pour y remédier, tout refaire et refaire encore, et encore, recomposer, réorganiser le drame corporel et décréter la Mutation à perpétuité…Votre souhait intime, votre petit secret : la domination absolue. La période s’y prête. Vous y gagnerez peut-être, peut-être pas. La partie est loin d’être terminée.



A présent que nous en sommes où nous en sommes, et dans tous les domaines, a surgi un virus très méchant aux multiples variants tous plus hostiles les uns que les autres. Les médecins ne brillent pas par leur volonté de soigner. Ils ne se sont pas précipités pour envisager un possible traitement et si l’un d’eux, moins moutonnier et se souvenant d’Hippocrate, a voulu le faire, il s’est bientôt retrouvé au ban de la société. Le brave praticien feignait d’ignorer qu’aujourd’hui les médecins qui ont pignon sur rue et encore plus pignon sur plateaux télé, ne sont que les chiens fidèles des laboratoires pharmaceutiques qui les caressent et les nourrissent grassement. C’est ainsi qu’en lieu et place d’un traitement efficace et peu onéreux, nous aurons des vaccins hors de prix et d’une efficacité discutée.

Mais tout ça ne pouvait pas mieux tomber ! Le moment est propice. Il y a tant de choses à transformer, à reconsidérer, à éliminer. Tellement de vieilleries à remiser aux greniers pour enfin déployer la Société de Notre Temps dans toute sa dimension novatrice. Autant vous le dire tout de suite, je ne vais pas vous exposer le complot qui se trame au sommet de l’Etat au moment où j’écris. En vérité, le « complotisme » qui tient lieu de pensée à celles et ceux qui n’en ont pas et ne se lassent pas de le dénoncer pour ne pas être toujours à hurler aux « populistes », je l’aime bien. Ne suis-je pas toujours amoureux de Scully et fervent de son compagnon Mulder ? Ne suis-je pas un des rares à me repasser régulièrement l’intégrale des onze saisons de ce magnifique feuilleton paranoïaque que fut X-Files ? Plus les deux films ? Allons, allons, qui osera dire, pour peu qu’il soit un peu versé en histoire que les complots n’existent pas ? Il y en a eu de très nombreux. Dès que des hommes de pouvoir se regroupent à l’écart des autres, ils fomentent quelque chose contre d’autres hommes. Que font-ils d’autres à Davos et ailleurs, nos Maîtres ? Dans une antichambre, entre deux réunions, que se sont-ils dit ? Pas de quoi s’affoler ou cracher ce mot « complotiste » comme une insulte à la figure d’un bonhomme qui s’interroge sur ce qui se passe et n’y voit pas, décidemment, la marque du hasard. Car bien souvent, il n’y a pas de hasard.

Pas de complot non plus.


VALERE
VALERE

Juste une logique de système et chacun a la sienne. Est-ce que Marx et Engels faisaient du complotisme sans le savoir en exposant la logique du système capitaliste ? Pour les bourgeois honteux et confus de voir exposer ainsi ce qui pourrait exciter le peuple, peut-être. Pour les journalistes à leur service, il y en a encore plein aujourd’hui, c’est sûr !


Alors, je me lance. Le Capitalisme vit des crises. C’est un de ses points forts. Les crises sont des périodes historiques où, parvenu à un seuil critique, il doit se transformer pour maintenir et pérenniser encore longtemps sa domination la plus hégémonique possible sur le destin des hommes. Oh, celui des femmes aussi, rassurez-vous ! Tiens, cela me fait penser que nos « féministes » actuelles ne songent guère à en finir avec le système capitaliste ou, du moins à en dénoncer le peu de cas qu’il fait des femmes en général. Remarquez, il fait peu de cas des hommes aussi, c’est même le fondement de sa doctrine. Mais enfin, si, demain, par extraordinaire, les femmes se trouvaient en état d’égalité salariale, leur ravissement serait tel qu’on risque bien d’en trouver peu parmi les contestataires du système. Passons.

La plupart du temps, les crises sont financières ou industrielles, ou agricoles. Du ressort de l’économique. A chaque fois, d’aucuns annoncent qu’il ne s’en remettra pas. En réalité, il s’en remet fort bien ! Et souvent avec l’aide de celui qu’il conspue régulièrement, l’Etat, frères ennemis en trompe l’œil. Il arrive aussi que la crise soit sanitaire. Peste, choléra, variole, grippe espagnole, ont joué leur rôle. Il y a aussi une crise climatique qui tourne à l’aigu et a suggéré au Capitalisme globalisé ultra libéral sous le régime duquel nous vivons, plus ou moins bien, d’entamer de profondes mutations structurelles.

C’est ce qui a lieu aujourd’hui à la « faveur » de l’épidémie de la covid 19. Elle permet d’accélérer des processus mis en place et en branle dans les années 1990, intensifiés dans les années 2000. Le développement de vastes zones de consommation de masse en lieu et place de pays, notion périmée, et de vastes zones de productions aux périphéries. Des principes idéologiques inoculés partout : tout le monde a droit à tout et doit pouvoir se le payer (règne du crédit devenu une pratique « naturelle »), « bougisme » ou nomadisme comme disent les Attalistes, tourisme intensif, appauvrissement des cultures et des langues, rejet méthodique de l’idée de nation (le fameux « vouloir vivre collectif », une horreur !) …

Et ce, tout en professant le contraire, évidemment.


L’atomisation de la société avec effacement progressif de la notion de « collectif » au bénéfice de celle « d’individu » ne dépendant que de lui-même pour accéder aux premières places, a fait florès depuis les années 80. Dans les villes, les quartiers populaires, qui en occupaient les centres, ont été vidés, reconstruits sous prétexte de rénovation et les habitants renvoyés aux périphéries dans des grands ensembles sans âme ni rien qui rappelle l’existence de son quartier. En lieu et place de la rue, où tout le monde se connaissait, pleine de petits commerces sympathiques et compréhensifs, pratiquant bien souvent l’ardoise en attendant d’être payés un jour par le client gêné mais que l’on connaît, voici des paliers où personne ne se supporte plus, des étages d’immeubles anonymes, immeubles situés en face, à côté, à l’horizon, d’autres immeubles, loin de tout sauf du centre commercial. Les liens sociaux tels qu’ils se tissaient depuis la nuit des temps, sont brisés au profit de parcage en zones de consommation, zones de jeux, zones de repos… Ici, plus loin, à l’horizon, la zone, notre zone, ta zone… A toutes sortes de solidarités qui se nouaient spontanément entre voisins, seront substituées des associations « humanitaires » de toutes sortes, que les pouvoirs peuvent contrôler, veillant sur les populations en difficulté. Difficulté sciemment organisée.

Il est bon que ces gens comme tous les autres désormais apprennent la précarité, l’insécurité, la peur du lendemain, ça calmera les velléités de rébellion qui ne les conduiront nulle part, car un monde moderne comme le nôtre, avec tous ses bienfaits, ne peut pas être réalisé différemment.


"La jetée" - C. Marker
"La jetée" - C. Marker


Le site où l’on vient travailler représente depuis un bout de temps un problème. On s’y rencontre, s’y regroupe. On y échange sur nos conditions, nos salaires, les clauses d’un contrat, on y va au local syndical. L’informatique va nous sortir de là ! Télétravail ! Difficile à imposer, mais par bonheur, l’épidémie est arrivée ! Quoi de plus humain que le souci de la santé de tous et de chacun ?! Le Ministre l’a dit aux entreprises, il faut le mettre en place partout et sans délai ! Quoi qu’il en coûte ! Et quand l’épidémie sera passée ? Mais rien du tout, il y en aura d’autres d’épidémies, ne revenons pas en arrière, le télétravail, c’est l’avenir ! Comme tout le reste, une fois que le pli est pris, il n’y a pas de raison de refuser le progrès ! Les jeunes générations s’adapteront vite quand elles ne pourront plus faire autrement !

Profitons de l’aubaine épidémique ! La santé est primordiale : tous ces bistrots, troquets, petits restos, où le peuple va volontiers boire des coups, sans pouvoir heureusement fumer, on y a veillé, eh bien c’est le moment de dire stop ! On y « refaisait le monde » entre copains et copines, on s’échauffait contre les gouvernements, les patrons, on se vautrait dans la bouffe et le pinard, pas bon du tout ça, malsain ! Ce n’est pas avec nos mesures affichées pour les soutenir le temps qu’ils puissent rouvrir qu’ils survivront, beaucoup sont déjà morts, d’autres suivront avant que ce soit fini. Investissons dans le « click and collect », les fast food n’ont pas besoin de fermer, eux, par définition on ne s’y attarde pas… Ubérisons la bouffe ! Chacun chez soi mangera sa gamelle devant son écran ! Pour leur part, les restaurants plus soignés, où ne va pas le peuple, n’ont rien à craindre. Les Chefs recevront les Chefs. Notre gastronomie s’en portera mieux.

Les cinémas suivront le même sort. Je veux dire les salles de cinéma. Elles étaient en voie de disparition. L’épidémie qui nous « contraint » à des mesures sévères mais justes, va nous aider à en terminer avec ces vieilles salles inconfortables, mal équipées et qui diffusaient des films que plus personne ne veut voir. Et ceux qui le veulent n’auront qu’à se procurer le dvd, s’il existe ! Nous aurons enfin un beau réseau de cinémas rentables, muni de tout le confort moderne ainsi que des avancées technologiques dernier cri, pour voir les films que tout le monde veut voir, en 3D, 4K, 5G, plein de super-héros, de super-héroïnes, d’histoires fabuleuses au fin fond de galaxies lointaines, bien calé dans nos fauteuils ergonomiques qui vibrent au bon moment pour nous faire hurler de plaisir ! Ce sera, c’est déjà, plus cher, aussi exorbitant que la taille de l’écran, mais ça va dans le bon sens et ça réjouit les foules !

Pareil pour le théâtre. Toujours trop vivant. Problématique. Contestataire. Et public. Laissons mourir, la covid nous y invite, ce serait bête de ne pas en profiter. Là encore, survivront les mieux financés, les théâtres privés où l’on va voir les stars bien promotionnées dans des programmations de tout repos. Parallèlement, évoquons un possible transfert des cendres de Molière au Panthéon, ça donnera le change…


Aplanir, abraser, tel semble être le mot d’ordre. De l’ordre, toujours de l’ordre, et les bons sentiments pour faire tout avaler. Ce n’est pas possible que ça marche ! Mais si mon cher monsieur, ça marche !


Antoine MOREAU-DUSAULT
Antoine MOREAU-DUSAULT

Et quoi encore ? L’école ! On s’occupe d’elle ! On s’en est toujours occupé, à tel point que les niveaux se sont effondrés et que l’ignorance occupe le terrain. Directive aujourd’hui : pas ou le moins possible de présentiel. Ecoliers, lycéens, étudiants, déboussolés, seuls devant leur ordinateur, s’ils en ont un, sinon qu’ils se débrouillent, au pire l’Etat y pourvoira ! Le moins d’échanges possibles, acquérir des connaissances si l’on peut, éviter toute opportunité de développer son esprit critique, apprendre à vivre ici et maintenant sans affect, sans rien… J’ai le souvenir d’un épisode de cette série visionnaire « Le Prisonnier » (1967) où l’apprentissage des connaissances se fait chez soi, devant son écran de télévision, uniquement des connaissances livresques, des dates, des faits sans recul critique, sans questionnement. Et qui s’accumulent dans les cerveaux comme cela, rien qu’en regardant à heure dite la télévision. Le titre de cet épisode remarquable est « Le Général ». Si ça vous tente…


Pendant ce temps-là, la suppression des lits dans les hôpitaux publics continue, les postes d’internes et d’infirmières manquent, ne sont pas pourvus, signes que le système, en dépit de ses protestations contraires, n’a pas l’intention de modifier sa stratégie, encore moins sa logique fondée sur le profit, la rentabilité à tout prix, le mépris des masses humaines. Les mesures prises actuellement par nos Maîtres ne sont pas appliquées dans le seul but de lutter au mieux contre l’épidémie. Elles ont vocation à durer car nous savons que d’autres se produiront et qu’elles se produiront dans le même contexte systémique avec des gouvernants animés des mêmes choix économico-politiques. Au lieu d’axer la recherche sur les traitements, la course aux vaccins est privilégiée.


Nous n’avons pas fini de porter des masques, d’être interdits de regroupements intempestifs, d’éviter de se toucher, de sortir, d’aller au spectacle, de manger un morceau au resto ensemble, de boire un café ou l’apéro sur le zinc avec les potes, d’aller se promener nez au vent, main dans la main, corps contre corps, où bon nous semble…



"Le Prisonnier" - Série TV
"Le Prisonnier" - Série TV



Gilbert Provaux

Février 2021

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2 Comments


gheligon9
Mar 04, 2021

Je ne sais plus qui disait que l'avenir explique le passé beaucoup plus que le passé n'explique l'avenir, mais il n'avait peut-être pas complètement tort. A voir avec le monde d'après !

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gilbertprovaux
gilbertprovaux
Mar 04, 2021
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Merci Gilles ! Je ne sais pas moi non plus qui a dit cela. Intuitivement, je conçoit l'idée. La flèche du temps est une vue de l'esprit. Et mon vieux Nietzsche n'aimait pas l'histoire qui prétend justifier notre présent par le passé. Le regard rétrospectif réserve des surprises ! Quoi qu'il en soit, puisque dit-on tout finit par des chansons, il en est une de Guy Béart qui dit que "l'avenir c'était plus beau hier"...

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