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  • Photo du rédacteurgilbertprovaux

"Les Reines"

Dernière mise à jour : 27 oct. 2019

Ô Maître François

Vos Dames du temps jadis échauffent mes instincts !


Homme de rien, j’aime les Reines

Pour vous voici les miennes

Fors du mien, âge médiocre,

De tout les Temps :


A l’aurore rose passé le Tigre

Plane sur le limon carmin

L’efflorescence vaporeuse des jardins

Que le soleil montant majestueux et doux

Caresse de ses rayons nacrés


Précédée d’eunuques, suivie de farouches vierges

Altière et dévoilée s’avance Sémiramis Phoenix de Babylone

Souveraine absolue moquant l’audace de Nemrod

Ruinée parmi les blocs épars de la ziggourat foudroyée


Art By G.A. Rochegrosse


Son front bruni envisage le Sud

Là-bas, le Golfe et Bassora

Dans le lointain les fleuves en parallèle

S’unissent à la mer

Sa sœur de sel de sable et d’eau

Entend ce front têtu d’amour total

Et, Elle, toute de mélancolie fluide

Sourit, perdue en de sibyllines pensées

Alanguie sur son divan de coraux érubescents

Le pied jouant entre les taches brunes

De la somptueuse peau d’un léopard docile

Qui sourdement de plaisir ronronne




Antinéa d’Atlantis Reine Bleue aux amants noyés

Qui la cherchèrent opiniâtrement, l’aimèrent

Et moururent au fond des délicieux abysses

Offre le glaive à son amie

Déjà pourvue de l’arc et du carquois



Car Elle part à la Guerre de Troie

Braver la colère du Grec

A la tête de ses Bravesses nues

Criant son nom à l’unisson : Penthésilée gloire des Amazones

Bouclier d’or au côté droit

Rousse Reine à la fatale grâce

Profil tranchant de joie hautaine


Sous les murs de la Cité

A l’endroit où les flots baignent les valeureuses mortes

En tas sur le sable et diluent leur sang

Toi debout encore, blessée au flanc,

Extraordinairement vaincue et belle

Tu laisses le plus beau des guerriers

Enfoncer dans ton cœur son fer brûlant


Art By Von Stuck

Mais lui-même en son âme est percé à l’instant

Car, à l’instant, il t’a regardé

Tes yeux outremer qui succombent

Les siens qui triomphent et pleurent

Se sont éclaboussés

Il te tue, il ne peut plus aimer

Parce que désormais il n’aime et n’aimera que toi

A jamais sa Morte, son Assassinée.


Pourtant, veille l’Afrique

Vieille femme multicolore

Raconte l’histoire sous l’arbre à palabres


On la sait jusque dans les montagnes

Sous les dômes flamboyant d’Opar

Grimpant des tours et des donjons

Qui frappe de stupeur les stupides

Hommes-bêtes apeurés



Cependant qu’elle arrache une larme

A la Sublime La, Maitresse de ces lieux,

L’Immortelle Adorée qui s’offrit à Celui,

Seigneur des Jungles Hostiles, qui la refusa


La, pour qui les Rois enchaînés se prosternent

Bravent les périls pour partager sa couche

Acceptent de périr pour baiser sa sandale

La, abandonnée aux rêves et à la solitude

Contemple en son miroir sa jeunesse qui danse


Photo du Film "l'Atlantide" (G.W. Pabst)

Sept voiles à ôter

Autour du corps gracile

Si bien formé déjà

Salomé virevolte

Un à un s’envolent les diaphanes tissus qui la couvrent à peine


Princesse d’Israël peu à peu se révèlent

Tes jambes élancées aux cuisses arrondies

Tes fesses portées haut jusque sous la cambrure

Où chute entre tes reins ta chevelure ébène


As-tu senti l’œil fou, l’abjecte convoitise de ton beau-père et Roi ?

As-tu vaincu ta mère complice de ses vices ?

Tes gestes s’accélèrent, tu t’écroules et parterre

Tu rampes jusqu’au trône

Tu lèves ton visage peinturé, outrageux

Ta figure est un masque indigne et fabuleux


Tu t’élances à nouveau

Tombe l’ultime voile à ton pied ciselé

Avec lui, le silence

Et le souffle coupé

La bouche sèche et noire

Hérode pétrifié souffre


Art By Gustave Moreau



Salomé tatouée dans la lumière fauve

Croise ses bras ornés sur sa poitrine jeune


Elle toise l’assistance qui n’ose trop

Fixer ce bas-ventre infernal de l’obscure toison


Elle recule alors, détourne le visage

Elle tremble et se fige


La tête du Baptiste

Tranchée selon son vœu

Comme prix de sa danse

Flotte devant sa face






Le sang du Prophète se répand goutte à goutte

De son cou déchiré sur le marbre qu’il souille

Et baisant de la Fille les délicats orteils

Condamne Israël.


L’ombre d’un aigle forme une croix

Sur la neige où repose une fille de ferme

Un château perché là médiéval et hanté

Abrite la Comtesse en son bain de jouvence

Apaisée

Viendront les justiciers les juges le Tribunal

La Dame de Hongrie devra rendre des comptes

Que savent-ils, ces gens, de la Beauté ?


Le sang virginal en préserve l’éclat

Sur la pâle Erzebeth le liquide rubis

S’étale, ravive ses appâts

Elle rit de la morale et des lois

Se souvient d’une île au Nord du Monde

Une Terre Ancienne où la jeunesse est éternelle


Photo du Film "La Comtesse" (J. Delpy)

A Tir Na Nog il y a longtemps

Demain peut-être


Morgane la Fée que portèrent les vagues

Prépare le festin des étoiles filantes

Sous les harmonies vertes la peau rouge des pommes

Luit dans la lumière de l’Astre


S’avancent les Belles Dames aux longs cheveux


Photo du Film "Excalibur" (J. Boorman)









Lignée éblouissante des Magiciennes

La Nuit des cieux descend au lac

Bleu profondément obscur qui se pâme


Du chœur des fées un chant s’exalte

Le lac palpite en son milieu

Où ruisselant jaillit le fil

D’Excalibur








Viviane Gardienne des Espérances

De sa main fine gantée d’argent

Brandit l’Epée


Le Jour se fait.



Une autre île ou la même

S’éloigne le vaisseau

A son bord, un Roi

Son Roi, qu’Elle aima

La quitte à jamais

Circée l’Enchanteresse

Ne l’a plus enchanté

Pourtant immense est son pouvoir

Inaltérable sa beauté


Face à la Méditerranée nue Elle se montre

Les dieux en sont émus jalouses les déesses


Son Empire est bafoué.

La solitude l’étreint

La recouvre d’une robe de deuil

Lui tient le bras

Elles regagnent le Palais d’où sont chassés les vieux amants

D’autres viendront jouer à l’amour fou, se donner comme esclave

Se coucheront sur sa trace


Toujours, Circée règnera.


Art By J. Waterhouse

Le vacarme des voix

Le bruit des fêtes

Se tarissent à minuit

S’éteignent les flambeaux


Enfin !

Il est l’heure de défaire ce que le jour lui voit faire

La ruse de la tapisserie à quoi Pénélope la Fidèle

Est contrainte


Sa patience éternise sa splendeur.

Son visage naturellement radieux

Se réfugie dans l’ombre.

Les merveilles de ses yeux

La ligne gracieuse du nez

La bouche voluptueuse

Y sont enfermés à clés

Sous le masque d’orgueil et de mépris des hommes.

Les courbes de son corps par l’âge épanouies

Sont l’atroce supplice à leur désir haï

Repoussé sans merci


Enfin !

Pénélope se dresse Maîtresse de son île

Le drapé de sa tunique épouse sa démarche

Postée sur la terrasse où la brise la frôle

Elle ordonne, douloureuse, exaspérée :

A cette heure la vie

A cette heure la mort

Qu’il me soit rendu, si c’est la vie, sinon la mort !

Je suis Grecque, est-ce là mon destin ?


Photo du Film "Ulysse" (M. Camerini)

L’oiseau d’Athéna trois fois hulule

Le jour pointe


Du port monte un mendiant

Qu’un vieux chien reconnaît.


Homme de rien, j’aime les Reines.




Gilbert PROVAUX

















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