"Je T'invoque Inanna !"
VII
En cette fin d’après-midi, le vent soufflait dru entre les buildings de Manhattan couverts d’une épaisse poussière ocre. Une longue limousine noire aux vitres fumées longeait l’East River et parvint sans encombre au siège des Nations Unies où ses passagers étaient attendus.
La plaque minéralogique aux lettres « DSDS » suivies, pour l’occasion, des « clés de Saint Pierre », firent sourire un ecclésiastique vêtu de la douillette, ce long par-dessus sombre des tenues de ville portées par les hommes d’église catholiques. Il s’avança, au milieu de gardes armés, ouvrit les bras vers le couple qui venait de s’extraire du véhicule, prenant la main que Damien Sator de Saint-Jean lui présentait. Il fit une brève génuflexion et baisa l’anneau cardinalice à l’émeraude, le seul de toute la curie romaine où le saphir est la règle, avant de saluer Diane Sankeur, prenant sa main dans la sienne avec chaleur. Ils franchirent rapidement les postes de contrôles. Couloirs, ascenseurs, tout avait été dégagé. Ils ne rencontrèrent personne jusqu’à la salle de réunion où les attendaient les dirigeants de l’Organisation Météorologique Mondiale.
Le président et ses trois vice-présidents se levèrent à leur entrée. Après les salutations d’usage, ils se mirent tous autour de la table. Le président pris la parole.
. Monseigneur de Saint-Jean, nous vous souhaitons la bienvenue. Votre présence, eu égard aux circonstances, nous est apparue indispensable, à nous comme à vous. Vous connaissez déjà Monseigneur Paulo Roncieri, légat du Pape, qui vous accueillit à votre arrivée. Voici mes trois vice-présidents : Baravan Nergal, Milad Enlil et Kassim Enki. Et moi qui vous parle, je suis Shervin Adad, le président de cette organisation qui a bien besoin de voir cesser les perturbations aberrantes de notre météorologie mondiale. Et en finir avec l’épidémie qui décime nos populations. D’autant que les femmes enceintes sont les premières touchées.
Baravan Nergal souligna ensuite que cette réunion n’était pas censée avoir lieu. C’est pourquoi, elle ne se tenaient pas au siège de l’OMM à Genève mais ici à New-York, à la faveur d’un déplacement officieux pour prendre contact, confidentiellement, avec la nouvelle administration américaine issue des récentes élections.
. Nous pouvons donc parler sans camouflage, déclara Monseigneur de Saint-Jean, et prononcer le nom de notre tourmenteur : Pazuzu. Il s’est présenté à moi il y a peu. Le problème est double, car sa compagne est libre elle-aussi et le mal qui frappe les femmes prégnantes sont de son fait. Je crois savoir Adad que votre épouse est une mortelle, n’est-ce pas ?
Adad acquiesça. Et, à sa mine douloureuse, tout le monde compris qu’elle était malade.
. Aussi bien, reprit Damien, Grand dieu Adad qui sur Sumer aviez la haute main sur les pluies et l’orage, et vous Enlil, Seigneur Atmosphère, et vous Nergal, dieu redouté des Enfers et de la Peste, exprimons-nous sans artifices humains, d’autant que vos pseudonymes prêtent à sourire, soi-dit en passant. Et agissons ! Mais d’abord, où sont Inanna et Anu dont je ne m’explique pas l’absence ?
. Chevalier ! S’exclama Adad, Inanna, la Grande Déesse étoilée et Anu, sur lequel elle a plaisir à briller, dorment encore. Ils n’ont pas décidé de vie terrestre depuis bien longtemps. C’est pourquoi Pazuzu, frais libéré, semble si juvénile et puissant à nous autres, vieilles divinités oubliées reconverties de longue date en présences clandestines parmi les humains… Nos pouvoirs n’ont pas disparu mais nous avons bien du mal à nous en servir, nous n’y croyons plus assez...
. Je sais, dit Damien Sator. Ne vous souciez pas de cela. Mademoiselle Sankeur et moi-même, savons ce qu’il faut faire. Mais il faudra réveiller Inanna. Nous ferons cela à Rome et vous devrez être là, Adad. Et nous mettrons un terme à ce désordre. Pas de nouvelles des grecs ? Ni des scandinaves ?
. Pas plus que des latins, répondit tristement Enlil. Nous ne nous fréquentons plus guère. Nous avions créé un Club Privé à Londres, terrain plus ou moins neutre, pour nous retrouver entre nous, nous raconter nos histoires, ripailler ensemble, s’adonner aux divins plaisirs, échanger sur nos difficultés… Mais ça ne s’est jamais très bien passé. Nous n’y allons plus. Et les autres non plus. Et puis beaucoup ont disparu de ce monde. Où sont-ils allés ? A croire que nous mourons nous aussi.
Un silence pesant s’installa. Diane Sankeur s’agita sur son fauteuil, quelque peu agacée par ce qui, pour elle, n’était que lamentations pénibles de puissances épuisées. Damien Sator fronçait les sourcils, sourire en coin. Il intervint, sur le ton le plus ferme, qu’il sut faire suave ensuite :
. Les dieux ne meurent pas. Vous le savez bien ! Au pire, leurs peuples les ont oubliés. Jamais tout à fait d’ailleurs puisqu’ils en font des incarnations idéales ; ils en font des mythes dont certains sont encore profondément ancrés dans les mentalités, les traditions, nourrissent les littératures, les arts, les philosophies, et même le cinéma ! Au vrai, un seul d’entre eux est mort, un cas particulier celui-là, très particulier. Vous connaissez l’histoire : il voulait être l’Unique pour tous les hommes ! Il leur a inspiré le dégoût des autres divinités que l’on dit païennes. Son amour déraisonnable de l’humanité l’a tué. Une sorte de suicide diraient celles et ceux pour qui il s’est sacrifié. Il est mort et bien mort. Tout le reste est supercherie, vous le savez, savamment orchestrée. Que ce soit le dieu du tétragramme imprononçable, celui-là du testament dit « ancien » ; celui de la croix ou celui du croissant, c’est d’un dieu mort qu’il s’agit. Guide du peuple élu, il est le Tout Puissant ; pour ceux qui le révère le nez dans la poussière, il est le plus Grand ; pour les agenouillés qui se signent, il est le Vivant, vainqueur de la Mort. Or, la Mort est la Mort, à la provoquer, nous perdrons toujours.
Son regard passait de l’un à l’autre qui l’écoutait religieusement.
Il poursuivit :
. Les juifs n’ont plus de dieu. Ils s’en doutent. Alors, ils intellectualisent. Les musulmans n’en ont donc plus, eux non plus. Hélas, ils sont têtus et ne veulent rien savoir. Les chrétiens font « comme si ». Comme si ce qu’un philosophe a hurlé dans le désert n’avait pas existé. Dieu est mort. Et ceux-là le savent bien, hypocrites qu’ils sont ! Ne le racontent-ils pas à longueur de pages dans ce qu’ils nomment leurs Evangiles ? Jusque-là, lorsque Dieu se désespérait de ses petits chéris, il se mettait en rogne. Il boudait. Il ne répondait plus à leurs prières. Il fermait les portes de son paradis. Il allait jusqu’à les désintégrer, dans ses moments les moins compréhensifs, comme à Sodome et Gomorrhe. Il les noyait dans un déluge. Prenant soin à chaque fois d’en laisser échapper quelques-uns. Je crois qu’il aimait les hommes, sincèrement, follement. Car il conçut dans son omniscience détraquée cette idée démentielle pour un dieu : se faire homme lui-même. Pour approcher enfin cette engeance ingrate qui lui échappait à chaque fois. Pour en saisir la vérité, ou le mensonge, il a joué son va-tout. Il a joué gros. Il a perdu. Il en est mort, sur une croix d’infamie. Quelle dérision ! Rejeté par ce peuple qu’il avait élu entre tous, le voilà crucifié au Golgotha ! Comment un homme aurait-il pu en réchapper ? Il l’avait voulu, ce n’était plus qu’un homme. La Mort l’a pris au même titre que le dernier des parias. Et ceux qui l’avaient suivi, à ce moment-là se sont retrouvés seuls, trompés de faux espoirs à l’issue de ce stupéfiant malentendu. De cette farce macabre. De cette Divine Connerie, si vous me passez le mot ! Alors, ils ont raconté une autre histoire, évidemment, dans laquelle le Crucifié revenait d’entre les morts et remontait au Ciel. « Credo quia absurdo » dira l’un de leurs chefs, je crois parce que c’est absurde !
Ada s’éclaircit la voix. Il approuva. Ce rappel leur fit du bien.
. Doit-on pour autant, dit-il, nous autres dieux anciens, qui avons épousé d’autres destinées, « réveiller le chat qui dort » ? Certainement pas. Laissons les hommes être ce qu’ils sont, des bêtes crédules. Fréquentons-les, sans trop s’impliquer. Et lorsque nous devons faire quelque chose, faisons-le aussi discrètement que possible. Chevalier, que devons-nous faire ?
VIII
Tandis que partout ailleurs les intempéries dévastatrices et mortelles semblaient marquer le pas, pour des raisons parfaitement inconnues des populations et de leurs élites savantes égarées dans des modélisations informatiques incongrues, Rome était la proie des éléments déchainés. C’était comme si la Ville Eternelle concentrait soudain sur Elle toute la furie des dépressions atmosphériques.
Cité du Vatican, les rafales succédaient aux rafales sous un ciel chargé d’orages. S’il avait été donné à quelqu’un ou quelqu’une, ce matin-là, très tôt, d’observer de ses fenêtres la place Saint-Pierre, inondée sous la pluie battante, cette personne aurait pu voir une scène insolite : une religieuse juchée sur un âne qui trottinait, pressé sous le double effet de la violence des cordes liquides tombées du ciel comme un martinet céleste et des coups de badine administrés vigoureusement par la bonne sœur trempée jusqu’aux os. Ce bizarre équipage traversa la place jusqu’aux portes de la Basilique où les gardes suisses l’accueillirent et le firent entrer par un petit porche latéral avant de le conduire au fil de passages pavés et voutés dans une cour de dimension modeste mais pourvue d’une écurie. Le Capitaine des gardes aida courtoisement la religieuse à descendre de sa monture et la conduisit au sec, dans une antichambre confortable en la priant de bien vouloir patienter. Il s’éclipsa, suivi de ses hommes, laissant seule cette nonne dont le joli visage s’attarderait dans leur mémoire.
Au bout d’un quart d’heure, Monseigneur Ronciéri vint la chercher. Il la trouva toute bien séchée.
. Je suis Sœur Sarah, dit-elle, j’ai suivi les signes.
. Aucune inquiétude, répondit le légat du Pape, nous vous attendions. Venez avec moi, s’il vous plaît.
Des portes ouvragées, des corridors dissimulés derrière des tapis somptueux accrochés aux plafonds, des escaliers qui montaient, d’autres qui descendaient ; ils s’engagèrent dans ces derniers, lui devant. Nulle parole ne fut échangée. Elle ne manifestait aucune inquiétude mais au fond d’elle-même elle se méfiait. Ils débouchèrent alors dans une vaste salle vide. Le sol était dallé de marbre rose et les murs recouverts de fresques en trompe-l’œil élargissant à l’infini des perspectives de jardins et des vues de paysages d’un incroyable réalisme. Il y avait ainsi les marches d’un temple qui s’élevaient jusqu’au péristyle. La religieuse s’en approcha, effleurant de ses doigts l’image si troublante de réalité. Elle sentait que quelque chose n’allait pas. Un piège voulait se refermer sur elle mais n’était-elle pas, sous ces hardes ridicules qu’elle portait, une démone parmi les plus à craindre ? Ce pourquoi elle se trouvait ici, elle le vit soudain dans la main de Monseigneur Ronciéri. Il l’avait sorti de sa poche et le lui montra.
. C’est bien ceci qui vous a conduit ici n’est-ce pas ?
Il lui montrait le pendentif à l’effigie de Pazuzu.
. Qui te permet de jouer avec moi ? Cet objet me revient, il me le faut, donne-le-moi sans tarder, ta vie en dépend !
. Je crains que votre époux ne soit pas d’accord, Lamashtu !
Et il jeta le précieux talisman vers le temple au moment où la démone s’élançait pour s’en saisir. Elle le vit s’évanouir dans l’air printanier suggéré par le talent des peintres, contre lequel elle se cogna brutalement. Elle se reprit. Et, toutes griffes dehors, redevenue soudain la très vieille et vindicative Lamashtu, elle bondit sur le légat du pape, qu’elle traversa de part en part, pour s’affaler sur les dalles en hurlant de rage. Elle se releva, le légat, ou plutôt son image holographique, avait disparu. Fébrile, elle faisait le tour de la pièce en grognant, cherchant sur tous les murs, le secret d’un passage.
Ailleurs, dans un local couvert d’écrans haute définition, entourés d’une abondante technologie dernier cri, sans perde rien de tout ce qui se déroulait sous leurs yeux, Monseigneur Damien Sator de Saint-Jean devisait avec le Maître des lieux qui lui posait la question :
. Etes-vous bien sûr de votre affaire, Monsieur le Lieutenant-Général ?
. Oui, Jorge. Et je ne suis plus Lieutenant-Général. Depuis longtemps.
. Certes. Vous êtes Préfet Apostolique à présent. Vous avez la haute main sur notre si Chère Bibliothèque Vaticane. Mais il me plaît de me souvenir de vous à la tête de la Compagnie de Jésus, lorsque nous nous rencontrâmes pour la première fois, dans mon pays là-bas… Quelle énergie vous y avez déployée !
. Et vous êtes là, Jorge. Il était plus que temps que j’interviennes avant que vos prédécesseurs n’aient tout laissé s’effondrer !
. C’est vrai ; pour le salut de l’Eglise, il le faut bien. Faute de Dieu pour assurer le nôtre. Soyons à la hauteur !
. Exact ! Soyons à la hauteur ! Maintenant, Très Saint Père, je dois y aller.
. Juste une seconde encore Damien… A propos de ce militaire, un commandant américain, je crois. Il a demandé une audience. Des révélations importantes à me faire ; son sergent qui a disparu sans laisser de trace alors qu’il faisait des recherches sur vous. Si j’ai bien compris ce que mon secrétaire m’a rapporté.
. Le recevrez-vous ?
.Non. Quelle importance ?
. Aucune ! Dites cependant à votre secrétaire de lui fixer un rendez-vous. Lorsqu’il sera là, que la garde l’escorte jusqu’à mes quartiers et le retienne dans la pièce noire en attendant que Mademoiselle Sankeur veuille bien s’en occuper. Vous riez Saint Père ?
. Il y a de quoi, non ? Et puis ça fait tellement de bien !
Sur ce, Damien Sator, tout sourire, s’en alla vaquer à ses obligations immédiates.
IX
Lamashtu enrageait contre les murs. Elle crut y apercevoir des ombres. Et puis des silhouettes déambulant dans les paysages. Elle reconnut bientôt cet homme qui avait brandi l’épée de Saint-Jean contre elle après qu’elle ait dû affronter cette femme près de la pierre de Kudurru.
Qui étaient-ils ? Et qu’était donc devenu ce monde depuis sa dormition ?
Plus rien ne ressemblait à rien ; des magies ignorées d’elle se déployaient sans qu’elle sache y répondre.
Et Pazuzu, dont le souffle s’était réveillé en même temps qu’elle, où était-il ? Le talisman l’en aurait protégé.
Voici Adad ! Je le reconnais ! Lui aussi est ici ! Il se tient en haut des escaliers où il accueille l’homme à l’épée de Saint Jean. Pourquoi ne puis-je les rejoindre ? Aucun de mes sortilèges ne m’est utile contre ces murs ! J’enrage ! Il y a du vent. Les arbres, les buissons fleuris et les nuages de ces paysages peints s’agitent de plus en plus violemment. Je crois que c’est lui, il va paraître ! Pazuzu et sa figure terrible ! Pazuzu, mon époux, vient vers moi. Je ne peux m’enfuir. Sa poigne griffue me saisit. Nous passons, avec lui je le peux. Il me traine derrière lui en remontant les marches du temple. C’est une ziggourat. Devant nous, l’homme en noir et Adad ouvre cette ascension. Et tout là-haut, au sommet, où nous arrivons, un trône de pierre se dresse, sur lequel se tient une femme endormie sous les voiles colorés, et parée de bijoux précieux. C’est elle ! Cette femme qui prétendit lutter contre moi ! Comme je la hais ! Que fait-elle ainsi apprêtée ?
L’homme qu’Adad appelle Chevalier me tourne le dos. Il se concentre. Pazuzu m’écrase de son souffle de sable qui m’enchaine. Adad appelle une pluie bienveillante qui vient en rosée se déposer sur la femme. La voix grave, profonde, du Chevalier de Saint-Jean retentit jusqu’en haut du Ciel :
« Je t’invoque Inanna ! Ishtar étoilée de lumière, moi, l’Instruit, je te brusque en ton sommeil millénaire. J’en ai le droit, le pouvoir et l’obligation pour que l’Ordre règne ! Viens Ô Déesse ! Voici Diane qui veut te recevoir sur ce trône qui est Tien ! »
Le silence retomba. Diane, les yeux fermés, émit un soupir, ses lèvres frémirent. Puis elle se redressa sur le siège de pierre et l’étoile apparut à son front. Ses yeux s’ouvrirent dévisageant les quatre créatures à ses pieds.
Elle les identifia tout de suite. Et son esprit qui avait pris place dans le corps de Diane Sankeur saisit à l’instant même la situation.
. Un grand trouble est survenu par la faute des hommes, dit-elle simplement, en un soupir las, de sa voix de velours.
. C’est pourquoi il fallait que ce fût moi qui t’appelle ô Ishtar, déclara Damien Sator. Pazuzu ne peut rester sur Terre, non plus que sa compagne. Toi seule, Déesse Suprême peut décider de leur sort.
. Tu dis vrai, homme. Adad, Maître des pluies et des orages qu’as-tu à dire ?
. Il y a bien longtemps que je suis ici, en ce Monde, répondit-il. Il y a bien longtemps que ma divinité est affaiblie. Vois, je me présente devant toi comme un humain…Toutefois, sous l’impulsion et la direction du Chevalier, j’ai pu déchainer les éléments en ce jour afin que Lamashtu ne puisse s’enfuir après avoir pénétré en cette Cité qu’il contrôle. Pazuzu nous a aidé à attirer la démone au moyen du talisman. Il a lancé ses cordes liquides mêlées à mes pluies en torrents et, sans le savoir, son épouse les ayant traversées, ne pouvait plus s’en revenir. Elle est là, vaincue, muette, sous un bâillon de sable. C’est pourquoi j’implore ô Toute Puissante Inanna ta clémence pour Pazuzu.
. Parle ! Quel est ton souhait ?
. Eh bien, dans ma vie terrestre, j’occupe une situation importante… Et je pourrais sans doute facilement prendre Pazuzu avec moi pour renforcer mon équipe d’assistants déjà composée d’Enlil, Enki et Nergal. Il aura à composer avec les hommes mais je me fais fort de le former, dès lors qu’il se sera doté d’une apparence adéquate. Il est d’accord.
. Je n’entends rien à ce que tu dis. Mais dès lors que tu te portes garant de l’Ordre revenu par l’action que tu proposes, j’ordonne qu’il en soit ainsi après que Pazuzu ait ramené Lamashtu au profond de la terre de Marduk pour n’en plus reparaître sans mon consentement !
Adad, Pazuzu et Damien Sator opinèrent aux commandements de la Déesse qui se leva avec toute la grâce des plus nobles Reines et s’approcha de Monseigneur de Saint-Jean, le prit à part et lui murmura à l’oreille, non sans malice et naïveté feinte :
. Damien Sator, je ne sais rien de ce monde où vous m’avez fait paraître, émergeant de mon long sommeil. Me ferez-vous le plaisir de me guider, je n’ai pas du tout l’intention de retourner dormir…
. Mais très volontiers, ô Déesse, c’est un honneur qui ne se refuse pas !
Il lui tendit son bras qu’elle prit sans façon.
Et le couple ainsi formé descendit les marches de la Ziggourat qui s’effaçait derrière eux dans le fracas d’éclairs crépitants signifiant l’envol pour leurs missions respectives des dieux sumériens emportant avec eux la démoniaque compagne que bientôt l’on pourrait voir s’enfoncer dans les sables du désert, montée sur son âne, battue par les lanières sifflantes des rafales du vent d’Est, et disparaissant sous les blocs cyclopéens de la Cité de Marduk, au milieu des restes dérisoires des fanatiques pourrissant, bientôt squelettes nettoyés par les bêtes.
EPILOGUE
Bras dessus, bras dessous, Damien Sator de Saint-Jean et Diane Sankeur quittèrent le bunker en sous-sol de la Bibliothèque Vaticane où reposent les plus précieux codex, émergeant place Saint-Pierre sous un soleil radieux. Pas un souffle de vent.
. Mais dites-moi, Diane. Ce commandant dans la pièce noire, que devient-il ?
. Oh, il n’y est plus. J’ai fait ce qu’il fallait juste avant la grande scène de la Ziggourat pour l’écarter de nos horizons. Vous allez rire : en ce moment même il doit reprendre ses esprits dans une cellule surpeuplée d’une prison mexicaine. Les agents du « grupo de operaciones especiales » l’auront retrouvé, loqueteux, pieds nus, errant sans aucun papier d’identité, les poches de sa veste cradingue pleine de sachets de cocaïne, très pure…Et ne se souvenant de rien ! Poor little gringo…
. Ce pourrait être le titre d’une chanson ! Merveilleuse Diane !
Ils éclatèrent de rire faisant se retourner les gens, dont beaucoup portaient encore des masques de protection, en se pressant vers les centres de vaccination qui venaient d’ouvrir, car d’éminents laboratoires prétendaient avoir finalement mis au point un antidote. Mais des gens, ils n’en avaient cure.
. Allons faire la fête ! S’exclama Damien. Où irons-nous ? Venise ? La Fenice donne « Le Barbier de Séville » …Ou bien préférez-vous, je le sens, Vienne ? L’Archiduc donne un grand bal ce soir, lustres, champagne, Johann Strauss dirigé par Riccardo Muti, la valse sera à l’honneur !
. Serez-vous mon cavalier ?
. J’espère bien !
FIN
Gilbert Provaux – Avril 2021
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