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  • Photo du rédacteurgilbertprovaux

"LA GIFLE"


Au vieux cri de « Montjoie Saint Denis », un jeune homme a giflé un président de la République Française, jeune aussi, moins que l’autre mais tout autant enfant du siècle. Le président aime son siècle (et cela le juge, dirait Huysmans), l’autre non, manifestement.

On a retrouvé chez lui des jeux de plateaux avec figurines d’allures féodales, on a su qu’il s’était initié à des techniques de combat appréciées des chevaliers et tombées en désuétude depuis des lustres, que le bougre était abonné aux chaînes youtube de groupuscules nostalgiques d’époques dont ils ne savent rien, s’affirmant royalistes avec la morgue qui convient, arc boutés sur des images fausses comme toutes les images ; eux, sans doute fils de bourgeois ou de prolétaires, que la Noblesse, au temps de sa gloire, n’aurait jamais considéré ; eux, qui ne voient pas que l’aristocratie s’est vendue aux affaires il y a de ça beau temps ; et qu’ils ne sont que pauvres hères dans une époque qui les produit avec application et le sérieux qui s’impose quand tout aujourd’hui prête à rire. Un rire qui n’est jamais vraiment gai, le rire qui secoue un peu l’homme lucide devant le ridicule qui ne tue pas, hélas. Du moins, qui ne risque pas, de nos jours, de faire des victimes puisqu’il a désormais droit de cité, un droit dûment reconnu et protégé par la Loi, c’est-à-dire le nombre, les communautés, les réseaux tout à fait sociaux et autres populations puissamment revendicatives et, à ce titre, respectées. Ceux qui ont toutes les chances aujourd’hui d’être mortelles, ce sont les manifestations, même modestes, d’intelligence…

Autre temps : « Montjoie, Saint Denis », c’était alors le cri de ralliement de la chevalerie franque autour du Roi Capétien, Philippe Auguste, qui, par un beau dimanche de juillet, écrase l’ennemi Plantagenêt à Bouvines et regagne Paris en triomphe. Ça vous a quand même une autre gueule ! Souffleter celle de notre petit Macron qui, pour un peu, en redemanderait, c’est vraiment minuscule, zéro jeune homme !


"Les Visiteurs" - JM Poiré
"Les Visiteurs" - JM Poiré

Les anarchistes restés dans l’histoire pratiquaient l’explosif, la marmite pleine de clous, le pistolet, la dynamite, que sais-je… L’extrême-droite de jadis n’était pas en reste, la DS19 de notre Grand Charles, auquel l’idée de lui administrer une baffe ne serait venue à personne, pourrait en parler. Et combien d’autres encore auraient rêvé d’une telle proximité permise pour trucider avec panache (de fumée ?) le Président quel qu’il soit ! Même Chirac eut droit à un coup de fusil, c’était la moindre des choses.

Non, je l’ai déjà dit souventes fois (façon féodale…), la médiocrité est partout chez elle chez nous. Elle s’est installée subrepticement, le confort venu, avec le premier de nos écrans populaires, la télévision. Quoi qu’au départ, le vieil ORTF, Malraux aidant et nonobstant la main mise de l’Etat, s’était donné pour but de ne pas seulement distraire mais aussi d’élever les esprits, période faste des Dumayer, Desgraupes, Averty, Lorenzi, Santelli, Chabrol, Glaser, Pivot, etc. Période révolue avec la « libération » des ondes hertziennes, traduisez par « privatisation », que les intérêts justement dénommés privés, traduire « les grosses sociétés commerciales », vont s’empresser de débarrasser de toutes ces fâcheuses figures rabat-joie, nous réjouir de soirée festives en tous genres, de musiques, traduire « chansons », au kilomètre, anglo-saxonnes pour la plupart savamment choisies parmi les plus insipides, de séries décérébrées dénommées « sit-com » en bon français, de débats entre imbéciles autour d’un animateur ou animatrice parfaitement inculte, d’émissions dites « People » dédiées à un large public friand d’heurts et malheurs de leurs vedettes préférées la plupart du temps des crétines et crétins dont l’histoire ne retiendra pas les noms, sauf dans l’alimentation mentale des « journalistes » qui officient en majesté 24h/24, « People » eux-mêmes, un titre chèrement acquis au sein d’un business pléthorique, absolument libéral.

Car « libéral », c’est génial ! C’est la fin de l’Histoire réalisée après tant d’errements tragiques. Le « doux commerce » fait sa loi, tout le monde a droit à tout, tout le monde a des choses à dire et le dit, démocratie scrupuleuse, tout le monde a des choses à vendre et les vend, sacro-saint principe de l’intérêt bien compris entre marchands ! Dans une entreprise, un département consacré à telle activité n’est plus le partenaire complémentaire d’un autre au sein de cette même entreprise mais son client. Et les services publics, paraît qu’il en reste encore, ont repris ce terme, bannissant comme infamant celui d’usager. Patient est encore usité par la gens médicale, une survivance passéiste sans conséquence, car bientôt il s’en trouvera pour dire la chose et on s’en tiendra au mot, client.

C’est ainsi que triomphe l’idéologie de la pire des plèbes, et le pourquoi de la prospérité de la pègre, j’ai nommé celle des marchands, terme répugnant s’il en est à toute les époques sauf la nôtre ou chacun vautré dans le lucre s’en glorifie. C’est que la lie de la Terre tient les rênes de nos destinées, je veux dire l’économisme et les vauriens qui l’incarnent. Economistes ! Des tristes sires, fous enragés, qui mettent à la rue des populations entières, une planète à genoux, pour l’adoration de leur Divinité dont la Main Invisible est réputée agir, sans coup de pouce, pour la richesse des peuples ! Fasse qu’un jour cette main veuille bien magistralement claquer les faces satisfaites de ces fumistes mâles et femelles confondus ! Thérapie par la gifle, c’est d’actualité.



Et cette fumisterie a été élevée au rang de religion d’état pour les besoins de la cause ! La bonne cause s’entend, pas celle du peuple. Ils ont raison, il n’y en a plus de peuple. Et puis le peuple, c’est quoi ? Une prise de conscience. Cela n’existe pas en soi, le peuple, cela se construit, s’affirme, s’impose, ça pourrait bien faire l’histoire. Mais non, le peuple reste une fiction. Minutieusement, avec précision, chirurgicalement, cette masse de gens, le libéralisme, pour s’imposer, en a fait une collection d’individus aux intérêts divergents. Devenus individus, ils ne voient plus ce qui aurait pu les rassembler. Chacun s’honore d’être individualiste, voulant passer pour forte tête, pauvre écervelé ! Chacun va retrouver les siens, son groupe, sa harde, intègre son troupeau d’individualistes, réunis enfin dans la vérité de l’intérêt bien compris. Sa communauté ! Comment voulez-vous éviter le communautarisme, le combattre ? Chacun a sa religion, son foyer, son plaisir, son activité, sa région, sa langue régionale, ses illusions entretenues, son quartier, sa pauvre vie d’homme ridicule, ou de femme ridicule ; au féminin c’est pareil. Qu’est-ce qu’elles ont les femmes, qu’est-ce qu’elles font de mieux ? Femmes et hommes, même combat !

D’ailleurs aujourd’hui, il n’y a plus que des citoyens et des citoyennes, des actions citoyennes, des projets citoyens, et des engagements à tour de bras. Ou de pédales : mon mari parcourt la ville en vélo, il est très engagé ! Et cette chanteuse qui n’a pas maché ses mots aux infos hier soir, nous sommes tous frères, à bas le racisme ! ça c’est de l’engagement, non ?


"On Continue à l'Appeler Trinita" - E. Barboni
"On Continue à l'Appeler Trinita" - E. Barboni

Notre monde est comme ces étoiles qui se développent jusqu’à saturation, deviennent énormes, enchainent les explosions nucléaires et s’effondrent en un trou noir béant qui aspire tout. Image sans doute grandiloquente pour le peu que nous sommes dans l’indifférence de l’univers. Sans le savoir, nous voilà en plein trou noir. Malades de continuer, trop épuisés, trop faibles pour honorer la vie par un éclat imprévu de lumière. Un sursaut de force brute, comme un boxeur qui se reprend avant le quinzième round et d’un direct du gauche met KO l’adversaire. Que l’on sorte de l’abrutissement collectif qui nous fait prendre des vessies pour des lanternes. Et nos mornes désirs (de consommateurs forcenés pour soutenir l’économie, comprenez-vous ?) pour des raisons de vivre.

Spartacus réduit en esclavage, n’avait rien. A part sa lucidité et des camarades comme lui. Par le glaive, c’était de son temps, tout pouvait devenir possible. Sa révolte n’avait rien de folle. Et la gifle que par ses actions il administra à la puissance mondiale de Rome retentit encore par son écho aux oreilles du Monde. Il ne put cependant tenir sa troupe disparate. Rome entreprit de se venger. Elle se vengea sévèrement, c’était aussi de son temps.

Aujourd’hui Spartacus serait un salarié obnubilé par la sécurité de son foyer, de son emploi, de ses revenus. Bonne âme, il s’engagerait dans une œuvre humanitaire, il irait en terre inconnue rencontrer en frère des tribus à peine sortie de l’âge de pierre (dont le vieux chef, un sage, dissimule son SUV 4x4 dernier cri, sous les frondaisons du bosquet derrière sa yourte traditionnelle en peau de yacks, je vous invite à relire « Tristes Tropiques »), et voterai EELV en tant que citoyen du Monde, déçu par les communistes eux-mêmes décimés par les déceptions ! Enfin, il condamnerait fermement le recours à la gifle dans la résolution des conflits, préférant le débat démocratique protégé par les policiers citoyens manifestant leur engagement républicain ainsi que leur appétit de justice devant les colonnes altières de l’Assemblée Nationale… Très loin, très, très loin de la voie Appienne et de ses crucifiés dégagés.





Gilbert Provaux – juin 2021

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